Nommé lifelogging en anglais, l’hyperdiarisation constitue une pratique journalière de médiation de la mémoire et des souvenirs personnels par le biais de nouvelles technologies (Caccamo, 2017, 2021). Émergeant dans les années 1980 en Amérique du Nord, elle intéresse un petit nombre d’individus (les lifeloggers ou les hyperdiaristes), qui, le plus souvent harnachés de différents dispositifs informatiques, s’affairent à enregistrer en continu, et de façon plus ou moins automatisée, un grand nombre de données numériques reliées à leurs activités (Selke, 2016). Cette pratique d’archivage du quotidien englobe de nombreux types de données (Kelly, 2007 ; Dodge & Kitchin, 2007) : il s’agit d’archiver des informations en lien avec des expériences et des événements vécus, des lieux visités, des personnes rencontrées, des conversations eues, des lectures faites, aussi bien que des idées rédigées, des photographies et des vidéos prises, des traces laissées sur les médias socionumériques, pour ne citer que cela. En somme, toute donnée archivable peut être prise en compte dans cette pratique, y compris une transcription des données biologiques prélevées par le biais de capteurs posés sur le corps (température corporelle, rythme cardiaque, etc.). L’objectif habituellement poursuivi est de former une extension de la mémoire personnelle : il est alors possible d’accéder au fonds de données constitué plusieurs semaines voire plusieurs années plus tard, de procéder à des recoupements informationnels et de se souvenir d’éléments que le corps n’aurait pas gardé en mémoire. Cette pratique de captation numérique des moments les plus banals de la vie quotidienne génère une quantité phénoménale de données à potentiel mnésique.
Références citées
CACCAMO, E. (2017). Imaginer les technologies de mémoire totale avec la science-fiction audiovisuelle occidentale (1990- 2016). Étude sémiotique, intermédiale et technocritique des représentations de la mémoire personnelle, Thèse de doctorat, Montréal, Université du Québec à Montréal.
CACCAMO, E. (2021). « Obsolescence programmée, mémoire et oubli : Du lifelogging à l’extraction science-fictionnelle de la mémoire biologique », dans B. Dupont, C. Guesse et E. Mingazova (dir.), Obsolescence programmée : perspectives culturelles, Liège, Presses Universitaires de Liège, p. 103-121.
DODGE, M. et R. KITCHIN (2007). « Outlines of a world coming into existence: Pervasive computing and the ethics of forgetting », Environment and Planning B Planning and Design, 34(3), p. 431-445.
KELLY, K. (2007). « Lifelogging, An Inevitability », The Technium. http://kk.org/thetechnium/2007/02/lifelogging-an
SELKE, S. (dir.) (2016). Digital self-tracking and Lifelogging – between disruptive technology and cultural transformation, Wiesbaden, Springer.